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Laballe & Défense

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Bienvenue sur Laballe & Défense, un site consacré aux Politiques de Défense ! Ce blog a été créé par Merry-Lène LABALLE, Historienne en Histoire Militaire, Études de Défense et Politiques de Sécurité Diplômée de l'Université Paul Valéry de Montpellier.

Les enjeux de défense et sécurité dans la construction des politiques spatiales

Publié par Merry-Lène LABALLE sur 10 Mai 2021, 10:49am

Catégories : #Défense internationale

Article paru dans la Revue Diplomatiquele 8 mai 2021.  

 

 

« Sera maître du monde, qui sera maître de l'air », Clément Ader, début du XXe siècle.

 

La militarisation de l’espace est une réalité militaire de longue date, et en cette époque de changements majeurs, dans un monde en proie à des menaces imprévisibles et technologiques dans lequel les puissances cherchent à s’affirmer, l’espace est devenu aujourd’hui une clé de voûte des politiques de défense et de sécurité. L’ensemble des opérations militaires sont étroitement liées aux capacités spatiales, pour anticiper et planifier les manœuvres, repérer l’ennemi et guider les forces terrestres à travers divers systèmes de communication. D’ailleurs, dans un contexte tendu de guerre froide, les Américains et les Soviétiques ont été les premiers à se doter de satellites espions pour s’espionner mutuellement.

Les États qui veulent peser sur la scène internationale recherchent une réelle autonomie stratégique spatiale pour disposer d’une capacité militaire qui rend les autres plus efficaces.  Cette autonomie devient de plus en plus essentielle avec l’évolution des modes de conduite de la guerre moderne. L’espace et plus particulièrement l’industrie spatiale sont devenus un enjeu géopolitique et militaire majeur au niveau international. Dans un monde qui évolue constamment, les États-Unis et la Chine ont mesuré depuis longtemps cette étape cruciale - que l’on appelle le New Space - pour le développement de nos sociétés, en appréhendant différemment l’accroissement des capacités spatiales tout en révolutionnant le marché spatial. Le New Space voit éclore de nombreuses start-ups qui proposent plusieurs solutions innovantes. Les acteurs traditionnels et historiques de l’industrie spatiale bousculés doivent désormais s’adapter face à ces nouveaux arrivants ambitieux et pour faire face à cette nouvelle concurrence soutenue par l’investissement privé. Autrement dit, sous la pression les industriels historiques doivent aujourd’hui allier innovation, flexibilité et réduction des coûts tout en travaillant avec ces partenaires d’un nouveau genre. La plus célèbre d’entre elle est la société Space X, avec son lanceur Falcon 9, qui a réussi à recycler un lanceur et à réduire drastiquement les coûts.

Ainsi dans cet espace de conflictualités émergentes, l’Europe et la France (troisième puissance spatiale) ont ces dernières années renouvelé l’ensemble de leurs capacités satellitaires. Pour répondre à ces nouveaux défis et opportunités, l’Europe a développé un nouveau lanceur, Ariane 6, qui proposera une polyvalence améliorée. Des pays comme la Corée du Nord ou l’Iran disposent de capacités autonomes et de nombreuses économies émergentes mettent sur orbite leurs propres satellites.

Un gain supplémentaire pour les armées qui utilisent l’espace depuis de nombreuses années, dans les domaines de veille stratégique et d’appui aux opérations terrestres, aériennes et maritimes. Pour s’adapter à ces bouleversements, les États ont dû réviser leurs modèles spatial et industriel ainsi que leur gouvernance du domaine spatial. Le renforcement stratégique oblige donc les pays à pérenniser et renouveler leurs capacités notamment face aux nouvelles menaces telles que les débris spatiaux, le brouillage, l’éblouissement ou encore les armes à énergie dirigée. Dans un tel contexte, la définition d’une stratégie spatiale de défense devient dès lors primordiale pour la protection et la défense des capacités d’un État. Tout comme le recours à des constellations de petits satellites qui contribuera à l’amélioration des capacités militaires et à leur résilience dans le domaine de la surveillance spatiale.

Prenons l’exemple de la France, pionnière. Le 24 décembre 1979, la première fusée Ariane décollait de Kourou en Guyane française. Né de la volonté du Général de Gaulle, le CNES (Centre Nationale d’Études Spatiales) investit dès les années 1960, la moitié de ses crédits dans l’Agence spatiale européenne (ESA) et collabore avec les puissances. Depuis, la France n’a eu de cesse de renouveler sa doctrine en matière d’opérations spatiales militaires. D’ailleurs, un pilier spécifique à l’espace a tout récemment pris au sein de l’armée de l’air la dénomination d’« armée de l’air et de l’espace », mesure emblématique de cette nouvelle orientation politique, matérialisant le fait qu’il existe bien aujourd’hui une quatrième dimension dans la conflictualité, dont l’objectif est le regroupement progressif des organismes du domaine spatial militaire selon une logique de rapprochements fonctionnels et géographiques avec le CNES. Si la France reste officiellement opposée à l'envoi d'armes offensives dans l'espace, dans l'esprit du traité de 1967, la doctrine française veut néanmoins se doter des moyens de se défendre en cas d'attaque contre ses intérêts en orbite.

L’espace exo-atmosphérique est aujourd’hui considéré comme un domaine d’action indispensable pour le déploiement de la stratégie militaire d’un État, après les milieux terrestre, maritime, aérien et du cyber. Il apporte une contribution importante à la sécurité et au fonctionnement des économies et des sociétés : « La nouvelle doctrine spatiale militaire permettra d’assurer notre défense de l’espace et par l’espace », affirmait le Président de la République Emmanuel Macron lors de son discours prononcé le 13 juillet 2019. Facteur de puissance et d’autonomie stratégique essentiel, dans le cadre du développement de sa force de dissuasion, la France a beaucoup investi dans le domaine spatial tant dans le domaine civil que militaire. Ces stratégies relatives à un domaine particulier de la défense témoignent de l’existence de nouveaux espaces de conflictualité : le cyberespace d’une part et l’espace extra-atmosphérique d’autre part.

Plus largement, les grandes puissances spatiales n’hésitent plus à développer de nouveaux systèmes leur permettant d’assurer la protection de leurs capacités spatiales mais aussi de mener des actions agressives contre celles de leurs adversaires. Il en est de même pour les puissances spatiales montantes qui expriment de plus en plus leur intérêt pour le développement de tels moyens offensifs. En effet, face au durcissement de l’environnement opérationnel les capacités militaires se renforcent tout en exploitant parallèlement les technologies de l’information appliquées au cyber et au spatial. La multiplication des zones géographiques sous tension comme l’Asie, les flancs Est et Nord de l’Europe et l’Arctique méritent désormais une attention toute particulière afin de mesurer l’évolution de ces dynamiques stratégiques. Autrement dit, l’apparition de nouvelles potentialités et l’intensification des menaces obligent les États à adapter leur politique dans le but d’accroître la surveillance de l’environnement spatial et de défendre leurs intérêts spatiaux face aux actes agressifs.

Dans le cadre des opérations, l’ensemble des moyens spatiaux est intégré aux phases de planification, de préparation, de conduite et d’évaluation des missions. Les satellites d’observation et d’écoute sont, par exemple, complémentaires de moyens plus précis, qu’ils contribuent à orienter vers les points d’intérêt (moyens de renseignement aérien dont les drones, moyens d’observation et d’écoute terrestres ou maritimes). Les satellites de positionnement, de navigation et de datation (PNT) facilitent la coordination et permettent des frappes précises tout en rendant ainsi les opérations plus sûres.

Tout progrès technologique dans le domaine spatial comporte des implications stratégiques en matière de défense. Les activités spatiales militaires dans le domaine des applications militaires notamment sont en plein essor.

De son côté, L’Union européenne a elle aussi pris des mesures cruciales pour affermir le rôle de l’Europe dans l’espace. La complémentarité entre les capacités techniques de l’Agence spatiale européen (ESA) et les ambitions politiques de l’UE les a conduites à définir un espace de coopération. En 2004, l’ESA et l’Union européenne signent l’Accord cadre de coopération, faisant de l’ESA le porteur de la politique spatiale de l’Union européenne. L’Europe dispose du deuxième plus gros budget d’investissements dans le spatial après les États-Unis, la plaçant en tête face à la Chine ou la Russie. La Commission européenne a boosté les investissements, des fonds destinés au financement des projets en cours et à la nouvelle initiative Govsatcom pour le contrôle des frontières, la protection civile et les interventions humanitaires. Avec Galileo, l’Europe a décidé d’élaborer son propre système mondial de navigation par satellite fournissant des données de positionnement global très précises. Enfin, pour lutter efficacement contre la piraterie maritime et soutenir les missions de l’UE, la Commission européenne a renforcé son volet sécurité avec COPERNICUS.

Par voie de conséquence, le partenariat franco-allemand reste essentiel en la matière pour le renforcement d’une ambition européenne en matière de défense et de sécurité dans le cadre de la surveillance des orbites basses avec les moyens de veille (radar GRAVES) et de veille-poursuite (radar GESTRA). Il n’existe pas d’indépendance en matière spatiale sans garantie d’accès à l’espace. L’autonomie européenne doit se développer sous peine de perdre à la fois la guerre commerciale, mais également la guerre en cas de conflit. Les succès des lanceurs Ariane constituent ainsi, pour les pays européens, un véritable gage de souveraineté.

En somme, le bouleversement du contexte spatial, avec ses enjeux militaires mais aussi économiques, a propulsé ce domaine au rang des priorités. À l’ère du New Space la militarisation de l’espace a pris depuis quelques années un nouveau tournant important impulsée par des nouveaux enjeux géopolitiques. L’armement spatial présente des intérêts militaires, géopolitiques, stratégiques et de sécurité nationale non négligeables. L’accès autonome à l’espace a toujours été considéré comme une capacité stratégique. L’armement spatial a évolué au fil des années et des conflits, notamment avec les guerres au Moyen-Orient. Les satellites de communication et les radars placés en orbite autour de la terre restent des outils militaires importants. Les grandes puissances mondiales comme les États-Unis sont aujourd’hui totalement dépendantes de ces systèmes. C’est dans cette continuité qu’intervient une nouvelle militarisation de l’espace, marqué par un renforcement de l’armement spatial.

 

Par Merry-Lène LABALLE, Historienne en Histoire militaire, Études de Défense et Politiques de Sécurité

 

 

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