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Laballe & Défense

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Bienvenue sur Laballe & Défense, un site consacré aux Politiques de Défense ! Ce blog a été créé par Merry-Lène LABALLE, Historienne en Histoire Militaire, Études de Défense et Politiques de Sécurité Diplômée de l'Université Paul Valéry de Montpellier.

Politique de défense : non au déclassement

Publié par Merry-Lène LABALLE sur 2 Avril 2012, 14:40pm

Catégories : #Défense nationale

LG

 

Ci-dessous une tribune fort intéressante écrite Par Louis Gautier,  Professeur de Science-politique à Lyon III, Président du groupe ORION (Fondation Jean Jaurès) :


 

Pendant des siècles, l'Europe et l'Amérique ont imposé à la planète tout à la fois leur domination et leurs conflits. Ce processus historique touche à son terme. Faut-il le déplorer ? Cela n'aurait aucun sens. Ce qui pose problème, ce n'est pas le basculement dans la mondialisation, mais l'effritement des conditions dans lesquelles l'Occident espérait pouvoir encore guider ce processus. Or, sous l'effet de la crise économique et des ruptures géopolitiques récentes, la suprématie de l'Occident se trouve mise à mal plus rapidement que prévu et avec elle ce projet.

 


Le monde composite qui se dégage n'est pas inéluctablement plus conflictuel. En revanche, il n'est pas spontanément coopératif. Alors que la mondialisation entre dans son adolescence, le système international risque de se trouver à la fois privé de tuteurs et des mécanismes de réassurance collective adaptés à la globalisation des enjeux.

 

 

Ce changement d'équation, manifesté par la spectaculaire croissance de certains budgets d'armement - notamment chinois, russe et indien -, ainsi que les turbulences qui s'amoncellent du Sahel au Moyen-Orient incitent à bien fixer les caps.

 

 

Or, durant cinq ans, les lunettes de ses préjugés sur le nez, Nicolas Sarkozy a effectué une "navigation internationale" à vue. Quelques succès diplomatiques ou militaires, comme l'adoption de la résolution 1973 sur la Libye ou l'opération en Côte-d'Ivoir, ne constituent pas en effet une politique. Par ailleurs, l'idéologie ne fait jamais une stratégie. Qu'aura gagné en effet la France à réintégrer l'OTAN en compromettant le renforcement de la défense européenne ? Que restera-t-il de combats en Afghanistan inutilement prolongés ? L'acceptation en 2010 du bouclier antimissile ne conduit-elle pas à brider notre autonomie stratégique au détriment de la dissuasion ?

 

 

Depuis la guerre du Golfe en 1991, nous savons qu'aucun pays européen n'est en mesure d'accomplir seul à longue distance une intervention d'envergure. Depuis la Libye, nous savons que le Royaume-Uni et la France, même ensemble, sont incapables d'accomplir, sans d'autres concours, une opération de moyenne intensité à proximité de leurs territoires. La démonstration faite en Libye montre que la coopération franco-britannique, aussi utile soit-elle, ne sauvera pas la cause d'une défense européenne sinistrée.

 

 

Aucun grand projet de coopération militaire ou industrielle, aucune véritable avancée dans la mise en oeuvre de la politique de sécurité et de défense commune n'ont été enregistrés après 2008. Les divergences de vues sur la Libye, les missions disparates en Afghanistan,l'absence de position stabilisée sur la défense anti-missile, la tendance centrifuge manifestée par d'étroits projets de coopération bi ou trilatéraux sont autant de signes d'un affaiblissement inquiétant de l'esprit de défense européen. Si l'on ajoute à cela la poursuite du désarmement budgétaire de l'Europe engagé depuis vingt ans mais renforcé par la crise, il y a tout lieu d'être alarmé. Un seul constat : avec 1,6 million de soldats sous les drapeaux de l'Union, les Européens, faute de regroupement et de rationalisation, seraient bien incapables de déployer dans la durée une force combattante de 60 000 hommes pourtant actée dans les traités.

 

 

La défense européenne suscite désormais scepticisme et sarcasmes. Pourtant, même si l'Europe ne se trouve plus au coeur des grands enjeux stratégiques mondiaux, elle n'est pas à l'abri du danger. Le désengagement militaire américain de leur continent devrait inciter les Européens à assumer davantage les défis de sécurité, dans leur espace régional et à sa périphérie : au Proche-Orient, en Méditerranée et en Afrique.

 

 

A cet égard, les questions se posent désormais dans les mêmes termes à l'OTAN et à l'UE : quelle vision, quel concept, quels moyens militaires européens ? L'absence de réponses entrave aujourd'hui tout autant le bon fonctionnement de l'OTAN que l'affirmation de la politique de sécurité et de défense de l'UE, ce qui devrait conduire à relativiser les querelles institutionnelles entre ces deux organisations.

 

 

Il n'est pas possible de subordonner les choix que nous devons faire pour notre appareil militaire au progrès à venir de la défense européenne. Etant donné le sous-financement chronique de notre modèle d'armée et le poids des contraintes budgétaires futures, nous pouvons, comme au cours des deux dernières décennies, continuer à procéder à des réductions homothétiques des parcs de matériels.

 

 

Cela conduit à une érosion des capacités, à des étalements de commandes avec pour conséquence le renchérissement des coûts unitaires des équipements. Cette méthode en apparence moins douloureuse aboutit à une armée d'échantillons qui n'a, en fait, de polyvalence que le nom. Nous devrions plutôt procéder à des arbitrages courageux, en acceptant certaines impasses là où de fortes redondances existent en Europe, afin de préserver l'essentiel pour nos armées mais aussi pour notre industrie :

 

 

- des composantes d'autonomie stratégique que nous sommes les seuls à détenir à pareil niveau. Cela implique une certaine "sanctuarisation" des crédits consacrés aux programmes nucléaires, spatiaux, à la détection et aux moyens d'interception ;

 

- des moyens de supériorité conventionnelle qui nous assurent une aptitude à "entrer en premier" dans les combats, moyens qui déterminent aussi le niveau de nos missions dans les coalitions. Cela suppose la détention d'armements de contrôle des milieux et de frappe dans la profondeur, tels les avions de combat, les drones, les missiles, les sous-marins d'attaque ;

 

- des capacités d'intervention projetables sous bref préavis pour une force de quelques milliers d'hommes dont la cohérence opérationnelle serait totale.

 

 

Enfin, il est primordial de conserver, à tous les niveaux, des structures de planification et de commandement stratégiques et opérationnelles qui nous permettent d'éclairer la décision politique et de pouvoir l'exécuter au besoin seul ou comme "nation cadre". Ce qui va se jouer au cours du prochain quinquennat, c'est l'acceptation ou le refus du déclassement international de la France et partant, de l'Europe.

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