« Il y a dix ans, on était là pour défendre l'idée d'armée européenne. Aujourd'hui, on est là pour démentir que l'on n'ait jamais eu cette ambition, pour démolir ce concept (…). Nous sommes en train de retomber dans la situation d'avant la PESD, dans laquelle l'UE faisait du civil, l'OTAN du militaire (…). Tous les discours sur la cohérence de l'UE, le fait qu'elle dispose désormais de toute la palette des outils d'intervention, etc., notamment à travers le SEAE, est pour l'instant une grosse blague ». Un membre du ministère des affaires étrangères et européennes.
L’après Libye aura sans doute des conséquences stratégiques importantes pour les Etats membres de l’OTAN et de l’Union Européenne. Cette guerre a, entre autre, révélé les faiblesses persistantes de l’Europe de la défense.
En renonçant pour la première fois à exercer sa primauté dans une guerre de coalition, les Etats-Unis ont obligé les Français et les Britanniques à s’adapter et à agir vite dans le déploiement de leurs hélicoptères d’attaque. Après la guerre en Irak et l’interminable guerre de l’Afghanistan, les Américains ont tourné leurs intérêts stratégiques vers l’est, et n’entendent plus s’immiscer dans tous les affaires du monde. On le voit notamment à travers les fortes réductions du budget américain de la défense prévues d’ici 2020 (550 à 900 milliards de dollars de coupes).
Comme l’écrit très justement François Heisbourg, l’OTAN va « redevenir progressivement plus régionale » et « ce changement de posture américain va peser lourdement sur les dépenses militaires européennes ». Au-delà d’une coordination presque parfaite entre Paris et Londres dans le cadre des opérations militaires en Libye, l’absence de commandement opérationnel s’est fait grandement ressentir. D’autant plus que ce QG européen s’est récemment heurté au refus catégorique des Britanniques. Sans oublié le blocage de Berlin, qui a interdit les membres allemands des équipages des avions radars Awacs de l’OTAN de remplir leur mission.
Cette guerre a également mis en avant de graves carences sur les capacités de l’armée française (moyens de ravitaillement en vol, drones, missiles antiradars), qu’il nous faudra impérativement régler, afin d’agir sans l’aide des Américains à l’avenir.
Nous devons absolument nous reconcentrer sur la construction de l’Europe de la défense pour que l’UE devienne enfin un acteur influent dans le monde, en lui dotant d’outils d’intervention extérieures et militaires. Les coopérations bilatérales ou avec quelques Etats doivent cesser pour que l’Europe puisse être à la hauteur des changements stratégiques actuels et à venir. Faute de moyens budgétaires, l’Europe se verra dans l’incapacité d’intervenir comme en Afghanistan, elle devra donc investir massivement dans les équipements (avions d’appui aérien rapproché) jusqu’ici livrés par les Américains.